100 % IA : Difficile d’avoir confiance quand des polices de caractères sont générées par des robots.

Rédigé par Patrick McNerthney | août 9, 2022

La plupart d’entre nous refusent de reconnaître l’existence des polices IA (c’est-à-dire générées par une intelligence artificielle). En effet, on redoute qu’elles ne donnent naissance à des blogueurs artificiels et intelligents. On espère bien ne pas être remplacé du jour au lendemain, surtout par des robots. Ce serait bien !

Hélas, un communiqué de presse vient de nous apprendre que notre déni se manifeste au pire moment : la rédaction de contenu par IA existe déjà grâce à la jeune entreprise Copy.ai, basée à Memphis dans le Tennessee. Bon. Ne dites rien au patron, je vous en conjure. Attendez une seconde, cet infâme robot (l’IA, pas le patron) peut-il faire CECI ..... ?

Rhinocéros rose avion en papier pastèque lever de soleil bonbon au raisin esperluette qui arrive aux genoux @*$**# carapace de tortue a+ sundae de glace mauve.

sur un COUP DE TÊTE ?

Pas besoin de répondre.

D’accord, ça va. L’IA ne disparaîtra pas tant qu’on ne trouvera pas un moyen de la débrancher. En attendant...

Qu’est-ce qu’une police IA exactement ?

Afin que ce blog ressemble davantage à une conversation qu’on pourrait avoir lors d’un cocktail bien animé réunissant des concepteurs super cools comme vous, les polices IA peuvent être qualifiées de la manière suivante :

Les humains introduisent de nombreuses polices de caractères dans une machine. La machine distingue rapidement la signification des lettres, des symboles et des chiffres en fonction de leur apparence. Ensuite, les humains saisissent des mots-clés basés sur les polices introduites dans la machine, lesquels indiquent à la machine le type de nouvelle police que les humains veulent obtenir, ainsi que le nombre de billets de 100 dollars et leur année d’émission.

À partir de là, la technologie de l’IA crée une toute nouvelle police de caractères inédite pour l’œil humain.

Enfin, cette même IA finit par empocher tous les billets de 100 dollars, vole notre Subaru Forester de 2006 pour on ne sait quelle raison, et se tire au Belize.

Que diriez-vous d’une présentation plus détaillée pour ceux d’entre nous qui s’intéressent à ce genre de choses, sans les allusions à la révolte des robots ?

C’est bien ce qu’il me semblait. Des personnes très compétentes et intelligentes forment des modèles informatiques à l’aide d’un ensemble considérable de données relatives aux polices. À partir de ces données, les modèles informatiques créent des milliers de glyphes, c’est-à-dire des lettres, des chiffres et des symboles (tout comme des mots-clés ou des marquages liés à la police). Le modèle informatique filtre ensuite les glyphes sur la base de valeurs de caractéristique et d’affinité, les transforme en images vectorielles et produit enfin des fichiers de police qui devraient vous dire quelque chose : .TTF ou .OTF.

Effrayant.

Génial. Qui fait ça à présent... des savants fous ? des fauteurs de trouble ? des irresponsables ?

Négatif. Picsart une entreprise technologique basée à Miami, en Floride, utilise l’IA pour créer de nouvelles polices de caractères, probablement en ce moment même.

Picsart a présenté sa suite d’applications photo et vidéo en ligne en 2011. Mais le phénomène de l’IA a commencé l’année dernière lors de la création du laboratoire de recherche en IA de Picsart. Une équipe (d’être humains) avait pour mission de créer les premières polices de caractères générées complètement par l’IA de l’application.

Et ils ont réussi. Plus de 30 polices IA sont disponibles dans la formule d’abonnement « Picsart Gold », et d’autres polices seront ajoutées au cours de l’année 2022 (puisque l’IA permet de créer des polices à l’infini). Les utilisateurs de Picsart doivent simplement rechercher « Polices IA » dans la bibliothèque de polices de l’application mobile ou du site Web, puis sélectionner tout nom de police contenant les mots « Lab IA ».

Cette technologie exploratoire a plus à offrir, beaucoup plus :
  • Le studio de conception viennois Process génère de nouvelles polices d’écriture grâce à l’IA. Leur système Alfont utilise l’apprentissage profond, un réseau génératif antagoniste à convolution profonde, et un ensemble de données composé de plus de 200 000 polices différentes pour en proposer de nouvelles.
  • Daniel Wenzel travaille dans le domaine de la conception graphique et typographique. Il a élaboré ce projet, où la police est générée spontanément et se modifie visuellement à chaque visite d’un site Web.
  • Le fabricant de caractères NaN a formé un modèle d’apprentissage automatique pour créer des formes de lettres réalistes (si vous consultez le lien, faites défiler la page jusqu’à ce que vous trouviez « Police d’apprentissage automatique »).
  • Jean Böhm, un concepteur et développeur passionné de typographie, a créé un réseau neuronal reposant sur des pixels, appelé StyleGAN. Lorsqu’il a été entraîné avec des représentations de polices, StyleGAN a produit une toute nouvelle police.
  • La société de conception et de consultation, IDEO, a créé cette carte interactive regroupant plus de 750 polices de caractères organisées par apprentissage automatique.
  • pixolution a développé un modèle qui a appris à reconnaître les caractéristiques uniques d’une police, quels que soient les mots, la langue, la couleur, la taille ou le fond utilisés. Oh, il était pour Extensis celui-là ! Génialissime.

D’accord. Combien de polices générées par l’IA les utilisateurs d’Extensis gèrent-ils actuellement dans leurs fabuleux univers créatifs ?

Pour répondre à cette question, on est allé dans le repaire souterrain secret de notre équipe de développement. Après s’être vu refuser l’entrée à plusieurs reprises pour ne pas avoir remboursé les 20 dollars empruntés pour manger à ce très bon camion à tacos qui stationne à l’extérieur du bureau le mercredi, ils en ont finalement eu marre de nos simagrées et ont accepté de nous fournir les informations suivantes.

« Non, il est impossible d’identifier les polices générées par l’IA, principalement parce qu’elles ne présentent aucune différence technique. D’un point de vue technologique, une police est une police. Donc, si la police est créée par un humain ou un robot, les outils dont nous disposons aujourd’hui ne nous permettront pas de faire la différence. »

Chère équipe de développement : est-ce que ce comportement très secret de l’IA ne vous angoisse pas en cas de révolte des robots ?

« Non. Maintenant sortez de notre repaire souterrain pour qu’on puisse se remettre au travail. »

Qu’est-ce que cela implique pour la créativité de demain ?

Nous finirons tous par nous soumettre au pouvoir redoutable de nos envahisseurs robotisés et/ou par nous rebeller contre eux, à l’instar de Terminator (1984), Terminator 2 : Le Jugement dernier (1991), Terminator 3 : Le Soulèvement des machines (2003), Terminator Renaissance (2009), Terminator Genisys (2015), Terminator : Dark Fate (2019), ainsi que Les Muppets à Manhattan (1984), même si, dans le cas des Muppets, nous succomberons à leur mignonnerie plutôt qu’à leur pouvoir inarrêtable.

Ou, pour être plus utile, prenons l’exemple suivant : selon un article paru le 29 mars 2021 dans le magazine Wired, des projets d’IA à code source ouvert comme Eleuther(un algorithme linguistique capable de générer un texte convaincant) peuvent être utilisés à mauvais escient pour diffuser des informations erronées (tout comme son homologue à code source fermé, la société de recherche et de déploiement d’IA OpenAI). Ou, lorsqu’elle puise dans un texte aléatoire, l’IA peut accidentellement reproduire des biais.

Cependant, les prisques ont tendance à s’amenuiser grâce à l’évolution de la technologie. Cela ne date pas d’hier. Ce que la plupart des individus ne savent pas, c’est que le travail de conception est un travail d’empathie qui consiste à créer un lien avec ce qui intéresse les autres personnes. Grâce à cette approche, n’importe quelle agence peut utiliser correctement les polices générées par l’IA, et n’importe quel concepteur peut s’assurer que l’IA n’est pas utilisée à mauvais escient.

Les concepteurs travailleront donc à 100 % au même niveau que l’IA. Mikios Philiips, concepteur UX, stratège en conception de produits, auteur et conférencier, décrit le mieux la créativité de demain grâce à l’IA dans cet article de blog pour la plateforme d’indépendants Toptal :

« Une vision plus pratique de concevoir l’IA... est l’« intelligence amplifiée ». Les robots ne remplacent pas les concepteurs. L’IA concerne principalement l’optimisation et la rapidité. Les concepteurs qui travaillent avec l’IA peuvent créer des modèles plus rapidement et à moindre coût grâce à la rapidité et à l’efficacité accrues qu’elle procure. Le pouvoir de l’IA se trouve dans la vitesse à laquelle elle peut analyser de grandes quantités de données et recommander des modifications de conception. Le concepteur peut ensuite sélectionner et valider les modifications sur la base de ces données. »

100 % IA : Difficile d’avoir confiance quand des polices de caractères sont générées par des robots.

Et le robot de pizzerias. Il parait qu’il y en a un en France.

It’s Pazzi—Le robot Pizzaiolo, se trouve à 42 Rue Rambuteau, 75003 Paris. Rendez-vous là-bas.

Faisons appel à quelqu’un qui est sans doute l’expert en typographie le plus compétent au monde et demandons-lui son avis. Thomas Phinney est concepteur de caractères, consultant, témoin expert connu sous le nom de « The Font Detective » (le détective des polices), et ancien PDG de Fontlab, société de logiciels de création et d’édition de caractères :

« En résumé, les polices générées par l’IA ne sont pas encore très répandues. Ceci dit, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travaux intéressants dans ce domaine. Je pense qu’une grande partie des premiers résultats dans ce domaine concerne des dispositifs qui exploitent une certaine quantité de données créées par l’homme et les appliquent à la création d’une police ou à la création de caractères supplémentaires pour une police, plutôt que des ordinateurs qui génèrent des polices totalement nouvelles à partir de rien. »

C’est une bonne chose. Si le développement de l’IA est synonyme d’automatisation des tâches routinières, de facilité d’accès à partir de n’importe quel dispositif, d’outils performants et de simplification des processus complexes, notre monde de concepteurs vient de bénéficier de plus de marge de manœuvre pour se concentrer sur ce qui est le plus important : la créativité.

Je suppose qu’il ne faut pas à débrancher l’IA en fin de compte.